Les classiques de collecte (1/3) : le street marketing
- Aménis Khaldi-Legriel
- 23 mars 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 janv.
Le street marketing appliqué à la collecte de fonds n’existe que depuis la fin des années 1990. Pourtant, cette pratique constitue déjà un classique du fundraising moderne. Relation avec le public, sensibilisation et bien sûr collecte, elle rassemble bien des volets de la communication associative. Focus sur le marketing face à face.

Une pratique récente mais totalement intégrée
Incontournable dans les entreprises, le marketing est aussi primordial dans les associations ; toutefois, il n’est pas transposé tel quel mais bien adapté aux logiques associatives en mettant en avant la dimension relationnelle.
Tel que le développe Thierry Libaert (Communication des associations, 1994), le marketing associatif se rapproche de la trilogie des règles d’or de la vente résumée dans la formule AIDA : accrocher le public, susciter son intérêt et son désir, et enfin provoquer l’acte d’achat. Le schéma est quelque peu modifié pour les associations et devient AIDE : attirer l’attention, susciter l’intérêt et le désir et donner le moyen concret de réaliser le changement de comportement.
Le street marketing s’inscrit parfaitement dans cette démarche, mais bien sûr, il s’adapte aux besoins des associations. Appelé aussi marketing face à face ou street fundraising, il consiste à recruter des donateurs parmi les passants. Les « recruteurs » abordent le public en le sensibilisant aux causes défendues et en l’incitant à devenir donateur.
Les lieux investis sont souvent des espaces très fréquentés, près de lieux marchands. Les recruteurs y ciblent prioritairement les jeunes, qu’il est difficile de toucher par des moyens indirects. Compte tenu des ressources faibles ou moyennes de la tranche d’âge, c’est le don de petites sommes qui est privilégié (autour de 10€). Celles-ci s’inscrivent par ailleurs dans une pratique ritualisée par des prélèvements mensuels automatiques, qui ont de nombreux atouts pour les associations (automatisation du don, garantie de ressources etc.).

Selon le Baromètre de la générosité des Français en 2019 de France Générosités (disponible à l’adresse suivante : https://www.francegenerosites.org/ressources/barometre-de-la-generosite-des-francais-en-2019/), 44% des montants des dons proviennent des prélèvements automatiques et 30% de ces derniers sont issus du marketing face à face. En tout et pour tout, le street marketing représentait donc près de 15% de la collecte de fonds en 2019. Un pourcentage qui, à cause de la crise sanitaire a forcément diminué en 2020, mais qui cristallise tout de même l’importance du marketing face à face, une technique devenue classique.
Une pratique très professionnalisée
Initié en 1997 par Greenpeace en Autriche et importé par cette même ONG l’année suivante, le marketing face à face n’a pas tardé à se développer. Les plus grandes associations se sont appropriées la pratique pour collecter plus et mieux.
Mais depuis 2004, un acteur est incontournable dans le secteur : ONG Conseil. C’est tout simplement l’agence organisatrice de la collecte de rue en France. Du recrutement des collecteurs à leur formation, en passant par la gestion du flux et de la place de chaque association, elle coordonne tout ou presque - avec la collaboration également de d'autres acteurs (notamment France Générosités).
Cette gestion s’inscrit dans la professionnalisation globale de la collecte de fonds et implique donc des techniques très précises. En effet, les collecteurs sont de véritables communicants qui doivent maîtriser l’association qu’ils représentent : histoire, valeurs, causes.

L’interpellation du collecteur se suit d’une sensibilisation aux idéaux, puis viens les messages de collecte. Ces derniers sont évoqués avec la question de la valeur du don ; c’est-à-dire que le collecteur s’applique à rappeler l’équivalence du don (15 € pour un sac de riz, 30 € pour une prothèse de jambes, 500€ par an pour parrainer un enfant).
L’équilibre entre les messages de sensibilisation et de collecte doit être maîtrisé pour que les passants intègrent bien les combats de l’association sans qu’ils se sentent agressés. Et bien sûr, comme dans toute communication associative, il faut toucher le cœur plutôt que la tête.
Le street marketing, un outil à double tranchant
Le street marketing bénéficie d’un grand avantage pour les associations : il permet un lien direct avec le public, sans aucun intermédiaire. Cette capacité relationnelle est très rare aujourd’hui et constitue donc une véritable opportunité pour toucher des individus plus éloignés.
Cependant, de véritables limites sont à souligner dans l’usage de cette pratique. Tout d’abord, le marketing face à face n’est réservé qu’aux grandes associations ou ONG, bénéficiant déjà d’une forte notoriété et d’une certaine confiance auprès du public : Action Contre la Faim, Amnesty International, Handicap International, Médecins Sans Frontières, Médecins Du Monde, AIDES, Care, WWF, Greenpeace et pas beaucoup plus…
Ensuite, il s’agit d’une technique de collecte très difficile où le rendement est faible. D’après Karine Gallopel-Morvan (Marketing et communication des associations, 2013), seulement 15% des personnes abordées s’arrêtent, et 1% acceptent finalement de donner. Le collecteur est ainsi confronté à l’échec et au refus en continu ; s’il doit attirer les passants, il ne doit pas non plus leur forcer la main pour ne pas porter atteinte à l’image de l’association. Gallopel-Morvan insiste également sur les émotions que peuvent ressentir les passants qui refusent de s’arrêter et de donner : culpabilité forte et même rejet complet…

Ainsi, le marketing face à face est définitivement un classique de la collecte de fonds. Mais l’utilisation croissante de cette pratique pose nécessairement la question de son évolution. Pour renforcer sa légitimité dans le fundraising, le street marketing doit se réinventer et proposer des techniques d’intervention créatives et mobilisatrices. Et dès lors, vous vous arrêterez sans sourciller.
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